Wednesday, October 3, 2007

André du Bouchet (1924-2001)

Né à Paris en 1924, l'auteur de Dans la chaleur vacante passe son adolescence aux États-Unis où sa famille s'exile au début de la Seconde Guerre mondiale. Étudiant à Harvard puis professeur d'anglais, André du Bouchet revient en France à la fin des années 1940. Influencé par René Char et Pierre Reverdy, il publie dans diverses revues ses premiers poèmes, réunis dès 1951 dans un premier recueil, Air. Suivent de nombreux recueils de poèmes. Parallèlement, le poète entreprend d'importants travaux de traductions, parmi lesquels figurent des textes d'auteurs tels que Paul Celan, Friedrich Hölderlin, James Joyce, William Faulkner et Ossip Mandelstam, et prend part à la fondation de la revue littéraire l'Éphémère en 1967, à laquelle participent Yves Bonnefoy, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, Paul Celan et Gaétan Picon. André du Bouchet, auteur d'un essai sur Alberto Giacometti, sera également attentif aux réflexions sur la sculpture et la peinture.

Parallèlement à son travail poétique, André du Bouchet écrit des livres de critiques d’art, sur Poussin, Seghers ou ses contemporains et amis Alberto Giacometti, Bram van Velde et Pierre Tal Coat. Ceux-ci illustreront de nombreux livres d’André du Bouchet.

Il signe aussi de nombreuses traductions comme celles de Friedrich Hölderlin, Ossi Mandelstam, Faulkner, Joyce et Shakespeare.


André du Bouchet est décédé le 19 avril dernier à Truinas dans la Drôme, à l'âge de soixante-seize ans. Il fut l'un des grands poètes de l'après-guerre, et à ce titre, l'une des figures emblématiques des Éditions du Mercure de France. Nous reproduisons ici un extrait d'un article qu'un autre grand poète, Philippe Jaccottet, lui consacra en novembre 1957 dans La Nouvelle Revue française

Œuvres

chez Fata Morgana : Aujourd'hui c'est (1970), réed.1994 ; Peinture, 1984 ; L'Incohérence, 1984 ; Laisses, 1984 ; Rapides, 1984 ; Air, 1986 ; Une Tâche, 1988 ; Matière de l'interlocuteur, 1992 ; Carnet, 1994 ; Pourquoi si calmes, 1996 ; D'un trait qui figure..., 1998 ; Carnet 2, 1999 ; Au Mercure de France : Dans la chaleur vacante / Où le soleil (1962 et 1963) réed Poésie/Gallimard, 1991 ; Ici en deux, 1986 ; Désacordée comme par la neige, 1989 ; Axiales, 1992 ; Poèmes et proses, 1996 ; Chez Fourbis : Des haut de Buhl, 1989 ; Le Surcroît, 1990 ; Retours sur le vent, 1994 ; Chez d'autres éditeurs : Défets, Clivages, 1981 ; L'Avril, Thierry Bouchard, 1984 ; Cendre tirant sur le bleu, Clivages, 1986 ; De plusieurs déchirements, Unes, 1990 ; Verses, Unes, 1990 ; A. Giacometti, Maeght, 1991 ; Baudelaire irrémédiable, Deyrolle, 1993 ; Orion, Deyrolle, 1993. Sur André du Bouchet : voir notamment les actes du colloque Autour d'André du Bouchet, Editions de l'ENS, 1986 ; Jacques Depreux, André du Bouchet ou la parole traversée, Champ-Vallon, 1985 ; Pierre Chappuis, André du Bouchet, Seghers, coll. Poètes d'aujourd'hui ; Jean-Pierre Richard, Onze études sur la poésie moderne, p. 286-314, Seuil, Pts/essais, 1981.



Le Nom et la demeure

ÖDans le rituel d'un éclair, le travail devenait plus facile. J'étais étranger à ce travail. Je croyais puis je ne croyais pas à l'inspiration, mais des lignes finissaient toujours par faire un semblant de témoignage. À chaque ligne, des analogies, le parcours sinueux du symbole. Et le poème, par-delà. Surface lisse, lttérale, sans aspérités ni replis. J'ai traversé tout un jardin, en quête de planimétries rassurantes. Sur la table aujourd'hui, ce froissement de vocables. Je l'écoute avec les yeux. Comme un souvenir de feuilles, ou la promesse de ne pas mourir tout à fait.


QUELQUES POEMES D'ANDRE DU BOUCHET

Dans la chaleur vacante

- Extinction

Le noeud du souffle qui rejoint,

plus haut, l'air lié,

et perdu.

Ce lit dispersé avec le torrent,

plus haut, par ce

souffle.

Pour nous rêver torrent, ou inviter le froid, à travers

tout lieu habité.

De la montagne, ce souffle, peut-être, au début du jour.

L'air perdu m'éblouit, se fermant sur mon pas.

Loin du souffle

M'étant heurté, sans l'avoir reconnu, à l'air,

je sais, maintenant, descendre vers le jour.

Comme une voix, qui, sur ses lèvres même,

assécherait l'éclat.

Les tenailles de cette étendue,

perdue pour nous,

mais jusqu 'ici.



J'accède à ce sol qui ne parvient pas à notre

bouche, le sol qui étreint la rosée.

Ce que je foule ne se déplace pas,

l'étendue grandit.

Cession

Le vent,

dans les terres sans eau de l'été, nous

quitte sur une lame,

ce qui subsiste du ciel.

En plusieurs fractures, la terre se précise. La terre

demeure stable dans le souffle qui nous

dénude.

Ici, dans le monde immobile et bleu, j'ai presque atteint

ce mur. Le fond du jour est encore devant nous. Le

fond embrasé de la terre. Le fond et la surface du front,

aplani par le même souffle,

ce froid.

Je me recompose au pied de la façade comme l'air

bleu au pied des labours.

Rien ne désaltère mon pas.